L’Œuvre pour la Protection de la Vie Naissante (VN) proteste avec véhémence contre la résolution que la Chambre des Députés a votée le 28 juin 2022 en réaction à la décision de la Cour Suprême des Etats-Unis d’annuler l’arrêt « Roe contre Wade » de 1973 et de rendre au pouvoir législatif des États la compétence de légiférer en matière d’avortement. Elle remercie les quatre députés qui s’y sont opposés.
Cette résolution est en flagrante contradiction avec la loi du 22 décembre 2014 qui « garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie », principe auquel « il ne saurait être porté atteinte qu’en cas de nécessité » (article premier). Elle annule le compromis sociétal qui, depuis 1978, consiste à voir dans la dépénalisation de l’avortement lors des 12 premières semaines de la grossesse une dérogation tragique au droit à la vie établi dans les grandes déclarations et conventions des Droits de l’Homme et des Droits des enfants.
Signalons au passage que la Cour suprême américaine avait légalisé l’avortement jusqu’à la 24e semaine de la grossesse, voire au-delà. Rappelons aussi que le cœur commence à battre au bout de 21 jours après la conception, que l’embryon éprouve de la douleur à la 12e semaine, et que le fœtus est viable hors utérus après 22 semaines de la gestation.
Non seulement ladite résolution est incompatible avec la législation luxembourgeoise en vigueur, mais sa motivation comporte des erreurs fondamentales, et ne rend nullement compte de la complexité de la problématique. En revanche elle introduit un changement de paradigme qui sonne le glas de notre civilisation remontant à Hippocrate et au Décalogue, surtout si elle était le prélude à une inscription d’un « droit à l’avortement » dans notre Constitution, ce que d’aucuns réclament d’ores et déjà.
En « rappelant que (…) le droit à un avortement légal et sans risques fait partie des droits fondamentaux », les députés majoritaires se trompent, car un tel droit n’existe à l’heure actuelle dans aucune déclaration, charte ou convention internationale, bien au contraire. Le concept de « droit à l’avortement » s’est néanmoins frayé son chemin, surplombant celui de « libéralisation de l’avortement ». La nuance est de taille. Depuis une bonne décennie il ne cesse d’être assené par les organisations qui y sont favorables et par les médias mainstream. Il est destiné à effacer dans les consciences le principe que chacun de nous jouit du droit à la vie (qui n’a qu’un commencement), préalable à tous les autres droits qui en découlent.
En défendant le « droit de tout être humain à la libre disposition de son corps », la résolution omet à dessein que l’avortement est en réalité la suppression d’un autre corps, plus précisément d’un être humain irremplaçable qui aspire à vivre, qui ne peut pas se défendre, et qui n’est pas responsable des causes qui amènent sa mère à s’en débarrasser.
La résolution cite l’Assemblée du Conseil de l’Europe qui demande « le droit à l’accès à un avortement sans risque et légal ». VN est parfaitement d’accord pour lutter contre les avortements clandestins effectivement plus dangereux, mais les professionnels savent que même effectué dans de bonnes conditions sanitaires, une IVG n’est jamais sans risque pour la santé physique et psychique de la femme concernée. Pour ce qui est de la légalité, elle ne fait pas de l’avortement un acte moralement correct ou juste. Au contraire, elle contribue à banaliser un acte qui tue, et endormit les consciences.
Or, la dignité de la femme si souvent invoquée mérite mieux. VN et d’autres organisations similaires à l’étranger disposent de témoignages poignants de femmes qui regrettent amèrement leur geste irréversible. « J’ai avorté, et personne ne m’en a empêché », tel fut, à titre d’exemple, le cri de détresse d’une jeune femme belge, recueilli par « Souffle de Vie » de Bruxelles.
Au lieu de célébrer l’avortement comme « solution » ou « acte de santé » libérateur, les décideurs politiques devraient réfléchir à une stratégie qui s’attaque aux causes des détresses qui poussent trop de femmes à recourir à la cessation de leur grossesse. Après tout, on estime (faute de statistiques précises au Luxembourg) que sur trois naissances il y a au moins un avortement. C’est un exercice délicat et difficile, et Dieu sait si nous ne partageons pas l’attitude simpliste de certains militants « pro-life » américains. Nous condamnons l’acte, pas la personne.
En 2018, VN a élaboré un catalogue de mesures, destiné aux partis politiques, qui pourrait réduire sensiblement le nombre d’avortements (voir : Comment protéger la vie naissante aujourd’hui ? www.vienaissante.lu). L’une d’elles est inspirée du modèle allemand qui insiste sur la double consultation (médicale et psycho-sociale). Le fait que l’Allemagne (82 millions d’habitants) compte à peine 100 000 avortements par an, contre 230 000 dans la France ultralibérale (65 millions), prouve qu’une politique volontariste peut sauver de nombreuses vies humaines, que par conséquent le recours à l’avortement n’est pas une fatalité. En effet, un « choix libre et éclairé » exigé par le Conseil de l’Europe (qui précise par ailleurs ne pas vouloir promouvoir l’avortement) ne saurait se faire ni avec le slogan « my body my choice », ni avec la résolution du 28 juin qui ne contient plus aucun élément en faveur des enfants non encore nés.
VN oppose au « droit à l’avortement » le droit de ne pas avorter. Celui-ci s’acquiert, péniblement sans doute, par l’éducation, la prévention, la responsabilisation des hommes, la lutte contre la précarité et les injustices sociales, la libération des femmes de toutes sortes de pressions, par des conseils et des aides concrètes, et sans doute un changement de certaines mentalités. Car sur un point nous sommes tous d’accord : « aucune femme n’avorte de gaieté de cœur » (Simone Veil).
De même que nous sommes d’accord avec l’article premier de la résolution de l’Assemblée du Conseil de l’Europe, que celle du 28 juin ne cite évidemment pas : « L’Assemblée parlementaire réaffirme que l’avortement ne peut en aucun cas être considéré comme un moyen de planification familiale. L’avortement doit être évité, autant que possible. »
Pour le Conseil d’administration de l’Œuvre pour la Protection de la Vie Naissante,
André Grosbusch (président)
Marie-Josée Frank (vice-présidente)